Le recrutement collectif limite les discriminations à l'embauche

Par: Comptabilité 18-11-2013

Catégories:Diversité,

Si la décennie qui vient de s'écouler a été marquée par la volonté d'agir des entreprises pour lutter contre les discriminations à l'égard des femmes et des minorités ethniques, aussi bien à l'embauche que pour les promotions, force est de constater que les bonnes intentions n'ont pas toujours été suivies d'effets, loin de là.

Parmi les femmes actives en France, seulement 6 % occupent des postes de direction générale, la même proportion depuis... 1995. Quant aux minorités ethniques, bien que la loi n'autorise pas la collecte de données statistiques les concernant, l'observation de la classe dirigeante française suffit à constater leur faible représentation.

Pour en finir avec les discriminations, il faut tordre le cou aux stéréotypes. Or ces derniers ont la vie dure, comme le révèle une étude récente menée par trois chercheurs de l'université Harvard ("When Performance Trumps Gender Bias : Joint versus Separate Evaluation", document de travail publié par Social Science Research Network, www.ssrn. com).

Désireux de mieux comprendre les décisions d'embauche et de promotion, Iris Bohnet, Max Bazerman et Alexandra van Geen ont conduit une série d'expériences dont les résultats suggèrent une piste pour lutter efficacement contre les discriminations.

Neutraliser les préjugés

Parmi les 654 participants, hommes et femmes, qui ont pris part à cette étude, certains ont endossé le rôle de l'employeur et d'autres celui des employés potentiels.

Ces derniers ont d'abord accompli une tâche mobilisant leurs aptitudes mathématiques. Leurs niveaux de performance ont, ensuite, été communiqués aux employeurs pour qu'ils choisissent celui ou celle qui réaliserait de nouveau cette tâche, cette fois-ci au bénéfice de l'employeur.

Les résultats ont démontré un biais négatif des employeurs contre les candidates femmes lorsque leurs performances étaient présentées individuellement et indépendamment des autres candidats.

Les candidats hommes dont les scores étaient sensiblement inférieurs à la moyenne ont été sélectionnés, tandis que les candidates femmes dont les scores étaient dans la moyenne ne l'ont pas été.

Le stéréotype suivant lequel les femmes seraient moins compétentes que les hommes pour les tâches mathématiques a donc lourdement pesé sur les décisions des employeurs.

Eviter de sélectionner les candidats les uns après les autres

Une manipulation simple a ensuite permis de faire disparaître ce biais : quand les performances des candidates femmes étaient présentées non pas individuellement, mais en même temps que celles de leurs homologues masculins, celles dont le niveau de performance était plus élevé que les autres candidats ont été retenues.

Pour lutter efficacement contre les discriminations, les entreprises devraient donc éviter de sélectionner les candidats les uns après les autres, mais de façon collective. Cette approche est de plus en plus utilisée pour le recrutement, mais elle est moins répandue pour les décisions de promotion.

Elle est pourtant essentielle parce qu'elle force les décideurs à s'appuyer sur l'analyse comparée de données objectives, ce qui permet de neutraliser les préjugés.

Il est temps, pour l'ensemble des organisations privées et publiques, de reconnaître la prégnance, encore aujourd'hui, de ces préjugés et d'agir en conséquence.

Sources : lemonde.fr - Julie Battilana, professeure associée à la Harvard Business School