Les dirigeants doivent prendre conscience que la vie dans l’entreprise produit la vie à l’extérieur des entreprises.
Ce qui se joue dans le privé détermine ce qui se joue en public
Ce qui se joue dans le privé (en entreprise) détermine ce qui se joue en public (à la maison, dehors dans nos villes et villages).
Plus précisément, l’entreprise crée des manières de se comporter, des manières d’habiter la réalité, d’habiter l’environnement, des éthos. Les collaborateurs, tout en travaillant, créent et développent une éthique (une manière d’habiter le réel) de manière consciente ou inconsciente. Les entreprises ne peuvent plus se permettre d’être neutre devant leur éthique
Les dirigeants doivent s’intéresser, définir l’éthique qu’ils veulent voir appliquer dans leur entreprise, pour la performance de leur entreprise, le bien être collectif sachant qu’elle rejaillit d'une façon ou d'une autre sur la construction du monde présent et futur..
Les entreprises ne peuvent plus se permettre d’être neutre devant leur éthique, ni pour leur profit à long terme ni pour les hommes et les femmes qui y vivent.
Ce que les bouddhistes ont vu depuis longtemps déjà, à savoir l’interdépendance des choses entre elles, est une donnée admise maintenant. Mais ceci, est souvent la résultante d’une prise de conscience négative, qui arrive quand les choses vont mal dans l’entreprise. Il faut passer à une conception positive de l’interdépendance.
L’organisation, par ce qu’elle transmet et ce qu’elle produit au quotidien, a des effets sur la manière qu’a l’ individu d’habiter le réel, et « d’habiter sa maison » finalement, de vivre avec sa famille…
La frontière entre vie privée et vie professionnelle est donc très perméable.
Doit-on chercher à protéger cette frontière ?
ou au contraire laisser l’entreprise s’installer encore plus dans sa vie privée, sa vie familiale ?
C’est là une question épineuse. En effet, non seulement les deux vies sont perméables mais leur séparation nette et radicale est cause de mal-être.
Nous ne vivions pas dans deux mondes bien séparés … Qui supporteraient deux éthiques bien différentes ? Les travaux de Christophe Dejours montrent, entre autres choses, comment une morale personnelle qui rentre en contradiction avec une morale d’entreprise est une situation proprement invivable sur le plan psychique.
On ne doit pas laisser l’entreprise s’installer dans la vie privée des individus. On ne doit pas non plus faire comme si ce qui se vivait dans l’entreprise « restait » dans l’entreprise.
Interdépendance vie privée/vie publique : les enjeux
L’enjeu aujourd’hui est de remettre de l’intelligence, de réinsérer l’esprit critique dans l’entreprise, ainsi qu’une réflexion éthique :
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Il faut remettre du temps de parole dans les entreprises pour les collaborateurs puissent reconquérir un peu de leur humanité, humanité qui se raconte, ce qui exige du temps.
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Au plan individuel, il faut tenter de passer du dépassement de soi à l’accomplissement de soi, de ses capacités et chercher l’acte juste comme acte excellent et suffisant par soi.
De cette manière, nous réintroduisons une réflexion qui peut remettre du sens sans le plaquer :
« Par-delà mes actions quotidiennes, quel monde est-ce que je veux bâtir en travaillant, pour moi et les générations futures ? »
« Jusqu’où je peux aller dans ma relation commerciale pour ne pas renier l’humain que je suis ? ».
« Suis-je capable de savoir quelles valeurs motivent mes actions quotidiennes ? ».
Sources : Texte issu de l'interview de Jean Mathy, Counseling Philosophie, par Fanny Gaubert