Qui aurait cru que le cofondateur de Google, l'un des patrons les plus respectés de la Silicon Valley, prône une telle idée pour résoudre le problème du chômage ?
C'est pourtant la démonstration à laquelle il s'est livré le 3 juillet lors d'un débat à l'occasion du « Khosla Venture CEO Summit ».
inod Khosla, fondateur du fonds d'investissement du même nom, interrogeait pour l'occasion les deux fondateurs de Google, Larry Page et Serguey Brin, sur le type d'emplois qui seront remplacés demain par des machines.
M. Page a eu cette réponse étonnante :
« Si vous réfléchissez vraiment à ce dont vous avez besoin pour être heureux – votre foyer, votre sécurité, saisir les bonnes opportunités pour vos enfants, les anthropologues ont identifié tout cela –, il est moins difficile aujourd'hui de se procurer ces choses. La quantité de ressources, de travail, pour obtenir tout cela est vraiment réduit. Donc l'idée qu'il faille travailler frénétiquement pour satisfaire ces besoins n'est tout simplement pas vraie. Je pense que c'est un problème de ne pas reconnaître cela. »
M. Page a toutefois reconnu que « beaucoup de gens ne sont pas heureux s'ils n'ont rien à faire. On a besoin de se sentir utile, désirés et avoir des choses productives à faire ».
« Les gens aiment leur travail, mais... »
Mais le patron de Google estime que la relation entre le travail et ce type de besoins n'est pas satisfaisante, lançant une ode à la décroissance : « C'est pourquoi nous sommes occupés à détruire l'environnement et d'autres choses, ce que nous n'avons peut-être pas besoin de faire », a-t-il insisté en se disant « inquiet » si nous persistions dans cette voie.
Pour changer de paradigme, Larry Page propose de partager le travail. Une idée sur laquelle il a échangé avec le patron de Virgin, Richard Branson.
« Le Royaume-Uni n'a pas assez d'emplois, [Richard Branson] a essayé d'amener les gens à embaucher deux personnes en temps partiel au lieu d'un temps plein. Ainsi, au moins, les jeunes peuvent avoir un emploi à mi-temps plutôt que pas d'emploi du tout. Et le coût pour les employeurs est un peu plus avantageux.
En élargissant cette idée, en temps de chômage de masse, on peut réduire le temps de travail.
Si je demande à la plupart des gens "voudriez-vous une semaine de vacances de plus", 100 % lèvera la main et répondra oui. Même chose si je propose une semaine de quatre jours de travail. Les gens aiment leur travail, mais veulent aussi consacrer du temps à leur famille, développer leurs centres d'intérêt. »
Cette idée du développement personnel au détriment du travail avait été largement évoqué par l'économiste John Maynard Keynes, qui, en 1930, avait rédigé un essai, Economic Possibilities for our Grandchildren, dans lequel il expliquait : « Pour la première fois depuis sa création, l'homme se retrouve face avec son problème permanent et réel : comment utiliser sa liberté acquise au détriment des pressions des besoins économiques, comment occuper ses loisirs ? »
Avant que la discussion ne prenne un tour trop keynésien et par certains côtés trop français, Sergei Brin s'est senti obligé d'intervenir : « Je ne pense pas que, dans le court terme, le besoin de main-d'œuvre va disparaître. Ce besoin se déplace d'un endroit à l'autre, mais les gens veulent toujours plus de choses, plus de divertissements, plus de créativité. » Une façon polie de dire que les 35 heures chez Google ne sont pas certainement pas pour demain.
sources : le monde.fr, Stéphane Lauer (New York, correspondant)
Source : Le Monde.fr Par Stéphane Lauer (New York, correspondant)